JEAN-JACQUES RAYBAUD : Il était une fois un petit garçon



Jean-jacques a sept ans

Dans une chambre crasseuse, un homme est là, couché sur un lit bancal, il regarde par la fenêtre. C’est l’automne. Il observe les feuilles jaunies qui tombent une à une. Un frisson parcourt son corps : il sait qu’il va tomber lui aussi, il sait que la faux de la mort le rayera de l’immense liste des vivants. Les feuilles tombent toujours. L’homme ne pense plus : il n’est plus. Les feuilles tombent, tombent, c’est l’automne.

Jean-Jacques a douze ans

Qu’est-ce que le temps ?
Le temps, c’est le destin irrévocable d’un Univers et que les hommes comptent minute, par minute mesurant leur lente agonie.
L’Infini ?
C’est une journée qui n’a jamais commencée et qui ne finira jamais, qui égrène seconde par seconde, minute par minute, la vie des hommes, qui désespérément, essayent de lutter contre elle.
La Vie ?
C’est l’espoir de grandir, de repousser la fin irrévocable toujours un peu plus loin.
La Mort ?
C’est la déception de voir que tant d’espoir, que tant d’efforts n’ont rien changé dans le cour du temps, c’est aussi le soulagement de savoir que toutes les peines ne nous suivront peut-être pas dans l’autre vie.

Jean-Jacques a quatorze ans

Jeudi 6 mai 1957 Lycée Gouraud de Rabat classe de 4ème.

Sujet : Etes vous satisfait de votre âge ? préféreriez-vous être plus jeune ou plus âgé ? donnez vos raisons.

La vie n’est qu’un livre. Un gros volume aux nombreuses pages ; des hommes meurent, naissent, les doigts agiles tournent les feuilles et les existences se succèdent. Nous connaissons le début de notre histoire et l’histoire de ceux qui ont vécu avant nous, mais elle nous paraît terne à côté de mots que tous…
une ligne effacée…
… Connaissant donc mon passé, je l’examine et m’aperçois : que je ne suis pas assez vieux pour le regretter
L’avenir ? dans le livre, nous l’avons déjà vécu, mais nous sommes les esclaves des lettres et des mots qui forment notre existence (I). Je suis donc obligé d’y penser comme d’une chose inconnue , mystérieuse, qui donne naissance à une sorte d’angoisse, d’appréhension.
Il ne me reste plus que le présent, matière impalpable, mot qui, lorsque nous le prononçons, fait déjà partie du Passé.
Alors, pourquoi vouloir imaginer une chose impossible. Seul le rêve exauce ces souhaits, et nous vivons dans un présent, à la fois Passé et Avenir. Je n’ai donc pas de préférence et me contente de suivre ma Destinée. (II)

I note du professeur : Soyer clair !
II appréciation du professeur : le style, le caractère abstrait, fataliste et désenchanté de votre devoir, me font penser que ce travail n’est pas entièrement de vous. Je vous noterai quand vous m’aurez dit si je me trompe ou non.